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Vendanges 2024 : visite guidée de la prestigieuse Côte des Blancs en Champagne

13 Septembre 2024

Quelle est votre analyse de la campagne viticole 2024 en Champagne ?

« La campagne viticole 2024 pourrait se résumer en deux mots : pluvieuse et froide. Tout d’abord, le froid s’est invité au débourrement et à la floraison, deux moments sensibles pour la vigne, amenant des gelées destructrices. Le mois de juin a été marqué par la fraîcheur, entrainant un retard de la floraison et un phénomène malheureusement connu en Champagne lors de la nouaison : la coulure. Un épisode naturel qui empêche la fécondation de la fleur et limite fortement le potentiel de récolte.

La pluie a quant à elle été présente en grande quantité du début de l’hiver à fin juillet. Une bonne nouvelle pour la Nature compte tenu des sécheresses précédentes. Mais en trop grande quantité, cette abondance apporte son lot de maladies, à l’image du mildiou. Cette année, le développement épidémique fut très fort, entrainant, encore une fois, une diminution de la future récolte. »

Quels grands enseignements peut-on d’ores et déjà en tirer ?

« Ces campagnes difficiles sont toujours riches d’enseignements et d’humilité. Tout au long de l’année, nos partenaires ont été mis à rude épreuve. Des vignerons qui ont fait preuve d’énormément de courage et d’abnégation pour amener les raisins jusqu’à la vendange. Que ce soit pour les viticulteurs ou agriculteurs, travailler avec Nature apporte son lot de vicissitudes du travail de la terre. C’est avec beaucoup d’humilité qu’il faut réussir à l’aborder.

Lors de ces campagnes viticoles extrêmement complexes et éprouvantes, le vigneron est un accompagnateur de la Nature. Il ne peut en aucun cas lui dicter sa loi. Il faut réussir à trouver les ressources pour observer, s’adapter et amener le maximum d’efforts pour aboutir à la période cruciale et tant attendue de la vendange. »

Avez-vous déjà une idée des futurs vins de cette vendange ?

«  Il est très difficile d’anticiper la qualité de la vendange 2024, voire d’apporter un pronostic sur le millésime. Il faudra attendre la dégustation des vins clairs pour entrevoir le potentiel de la récolte. Néanmoins, il m’est possible d’apporter un regard intéressant sur les conditions climatiques difficiles.

Le potentiel d’acidité sera élevé cette année, comparable à de belles années telles que 2008 ou 2013. Des années marquées par la fraîcheur et la tension. C’est un point que je surveille particulièrement. Si les conditions se maintiennent ainsi jusqu’à la cueillette, nous pourrons espérer un très beau potentiel d’acidité pour les futurs vins de la Maison Abelé 1757. »

Les vendanges terminées, quelles sont les prochaines grandes étapes ?

« Une fois les vendanges terminées, l’étape de vinification débute. Nous passons du travail de la vigne à celui des assemblages en cuverie. En général, les vinifications s’étirent pendant un mois et demi à trois mois maximum. Les fermentations alcooliques et malolactiques terminées, les vins vont être soutirés pour se reposer jusqu’au tirage, réalisé entre les mois de mai et juin. »

Pouvez-vous nous parler de la typicité du terroir de la Côte des Blancs ?

"La Côte des Blancs est un terroir unique en Champagne. La craie pure qui compose son sol est très particulière et possède de grandes qualités. Elle confère à la vigne énormément de bienfaits par ses propriétés drainantes et sa capacité à restituer l’humidité. Ensuite, l’exposition de ses coteaux, orientés vers l’Est, garantit une belle fraîcheur et une belle tension dans les vins.

Ici, le Chardonnay est roi. Il est extrêmement difficile de trouver un autre cépage que ce grand Blanc. Si vous trouvez un pied de Pinot Noir ou de Meunier dans ce secteur de l’Appellation, il s’agit probablement d’une erreur du pépiniériste (Rire). Ce terroir est très propice à son développement. Il exprime beaucoup de minéralité, accompagnée d’une perception en bouche de salinité et un beau potentiel d’acidité. »

Comment les viticulteurs de la Côte des Blancs adaptent-ils leurs méthodes culturales ?

« Qu’elles soient manuelles ou mécaniques, les opérations viticoles sont toujours plus aisées dans les terroirs de craie. Mais la difficulté la plus technique ne vient pas du travail de la vigne. Le point crucial réside dans la patience nécessaire pour récolter le Chardonnay à la maturité parfaite. Ce moment optimum va se jouer entre un équilibre sucre - acidité - potentiel aromatique.

Pour s’assurer de préserver son travail et mettre en valeur tout le potentiel de ses raisins, le vigneron doit réussir à patienter jusqu’à ce point d’équilibre en évitant de cueillir les raisins trop tôt. Une cueillette anticipée risquerait de préserver des arômes végétaux disgracieux à la dégustation. C’est une vraie prise de risques que d’attendre le bon moment, le summum de la maturité, pour récolter des raisins sains qui produiront des vins parfaits pour les champagnes Abelé 1757. »

Quelles sont les particularités du Chardonnay en Champagne et dans le monde ?

« Le Chardonnay est un cépage exceptionnel cultivé dans le monde entier. Vous le trouverez dans une grande diversité de terroirs - calcaire, schiste, granitique - avec divers climats - frais, tempéré, méditerranéen, aride… Ce cépage, qui entre dans la composition des champagnes de grandes factures, a trouvé un sol de prédilection dans les régions septentrionales françaises.

Il est également très reconnaissable. Sa feuille possède une attache pétiolaire dégarnie de limbe (cf photo). Ce qui en fait une caractéristique unique pour les amateurs d’ampélographie. Lors de sa maturation, les baies passent lentement d’un vert soutenu à des reflets dorés. Son aromatique sur les terroirs crayeux comme la Côte des Blancs, le Vitryat ou le Sézannais, est fraîche et fruitée. Son élégance accompagne une belle minéralité et salinité. Un des piliers du style de la Maison Abelé 1757. »

Comment le Chardonnay s’exprime-t-il dans les champagnes Abelé 1757 ?

« Depuis plusieurs décennies, le Chardonnay a pris une place importante dans le style des vins de la Maison, jusqu'à devenir le cépage majoritaire. Il entre dans tous les assemblages, excepté Le Sourire de Reims Rosé millésimé qui est un pur rosé de macération composé de Pinot Noir des Riceys. En fonction de sa provenance, le Chardonnay aura un itinéraire de vinification dédié. Chaque terroir, chaque parcelle va être isolé en cuverie. Pour préserver tout le fruité, la fraîcheur et l’éclat des vins clairs, j’évite au maximum les process de vinification oxydatifs.

C’est un cépage que l’on peut utiliser seul dans des champagnes de très hautes factures tels que les cuvées Blanc de Blancs. Il apporte tout son raffinement, son élégance et exprime à la perfection le terroir de craie de la Côte des Blancs qui nous entoure. Mais c’est également un formidable compagnon des autres cépages champenois. Notamment le couple Pinot Noir x Chardonnay de la cuvée Le Sourire de Reims Brut millésimé. Un vin de garde qui restera dix, voire quinze ans en cave. La minéralité et le fruité du Chardonnay vibre avec la puissance, la structure et les épices du Pinot Noir. »

Quel est votre regard personnel sur le Chardonnay en tant que Chef de Caves ?

« Il est vrai que le Chardonnay est un cépage de cœur. J'aime beaucoup le travailler. À titre personnel, j'ai parcouru différents vignobles à travers le globe, de la Californie, en passant par l’Australie et la France, où j'ai toujours pu retrouver ce cépage.

C'est toujours un immense plaisir de voir les premiers raisins de Chardonnay arriver à pleine maturité et les premiers jus couler du pressoir. Ce potentiel, qui est en train de se créer pour élaborer des cuvées qui plairont, je l'espère, à tous les amateurs de champagne. »