Qu’est-ce qui fait le succès de votre fromagerie ?
Nous avons du mal avec le terme de « succès ». Avant tout, nous avons envie de faire plaisir aux clients et de les accueillir chaleureusement. Nous prenons le temps de connaître notre clientèle, ses goûts, d’apporter une grande et belle diversité de nos fromages… C’est très important pour nous de leur faire ressentir qu’ils sont plus que des personnes lambda. En retour, ils nous offrent leur confiance et c’est le plus beau cadeau qu’ils peuvent nous faire.
Quels sont vos critères pour sélectionner les producteurs de fromages ?
Nos deux principaux critères vont être sur l’humain et le produit. Avant tout, c’est la rencontre avec un producteur. Nous avons besoin d’échanger avec lui, de comprendre qui il est, son travail… À notre échelle, nous cherchons à lui donner un coup de main en commercialisant ses produits. Il y a aussi le coup de cœur gustatif et comment son produit va s’intégrer dans notre offre. Enfin, il y a le lait cru. C’est un produit brut qui va devenir une denrée rare avec le contexte actuel.
À l’image d’un restaurant qui élabore et travaille sa carte des vins, comment avez-vous constitué votre cave à fromages ?
Nous partons des besoins et envies de nos clients. Lorsqu’une personne pousse la porte de notre établissement, elle vient généralement pour trouver des fromages originaux et des nouvelles idées pour leur plateau apéritif ou leur plateau de fin de repas. Cela nous oblige à maintenir la présence dans notre vitrine des fromages classiques, le « top 10 » avec du Saint-Nectaire, de l’emmental, du Comté…
Ensuite, nous cherchons à mélanger les différents laits et les textures : chèvre, brebis et vache. Certains clients vont préférer les textures crémeuses, d’autres plus pressées. Cette mixité apporte une certaine richesse sur un plateau de fromages.
Pour terminer, l’affinage va donner à son tour différentes nuances gustatives. Nous conseillons souvent de débuter par un chèvre et de terminer par un fromage beaucoup plus fort. Pour exciter les papilles, ce panel de fromages aux textures et aux goûts différents est important.
Élaborer un grand vin de Champagne débute dès la parcelle. Qu’en est-il pour élaborer un fromage ?
Il faut rappeler que tout le mérite revient aux producteurs qui fabriquent les fromages. Sans eux, nous ne serions rien. Nous avons une confiance aveugle dans leur travail. Pour autant, nous avons une vraie exigence sur la pérennité et la qualité des produits.
Actuellement, les pénuries se multiplient avec le contexte climatique. À cause de la sécheresse, les fromages AOP (Appellation d’Origine Protégée) ne peuvent répondre au cahier des charges. Cela oblige les producteurs à nourrir les bêtes avec du fourrage plutôt que de l’herbe. La conséquence se fait sentir avec une palette aromatique moins puissante que prévu.
Mais le respect animal doit passer avant toute chose. Cela se ressent lorsque nous échangeons avec les producteurs. Ils sont passionnés par leurs bêtes et un savoir-faire qu’ils veulent réussir à perpétuer.
Le fromage est un produit déjà travaillé avant même d’arriver sur une belle table. Doit-on le travailler ou le laisser brut ?
Personnellement, je préfère laisser le produit brut. Certains traiteurs vont proposer des nouveautés comme un Saint-Nectaire aux noix de pécan. C’est très sympa gustativement parlant, mais j’ai tendance à préférer des valeurs brutes. C’est une forme de respect, à la fois du fromage et de son producteur. Il s’est donné la peine de le travailler de telle façon pour apporter certaines saveurs. Le fromage est un matériel vivant qui s’affine et se bonifie avec le temps.
Température de service, découpe, assemblage… Quels sont les éléments à maîtriser pour bien servir un plateau de fromages ?
Il existe de nombreuses règles comme mettre un nombre impair de produits sur votre plateau ou suivre un sens pour couper le fromage. Lorsque vos hôtes se servent, respectez un équilibre entre pâte et croûte. Cela évitera au dernier invité de n’avoir qu’un morceau de croûte dans son assiette (rire).
Idéalement, il faut vous faudra respecter un ordre de dégustation. Les fromages les moins forts doivent toujours être placés à gauche du plateau. Puis vous les placez dans le sens des aiguilles d’une montre pour monter en puissance. Vous pouvez commencer par un chèvre frais et terminer par un Comté de 30 mois. Il est important que le palais se réveille petit à petit pour réussir à appréhender la saveur de chaque fromage.